03 August 2011

Dans le Canal de Sicile 5.962 décès depuis 1994


The solid sea, by Alberta Torres    

Depuis 1994, au moins 5962 personnes sont mortes dans le Canal de Sicile, le long des routes qui vont de la Libye (de Zuwarah, Tripoli et Misratah), de la Tunisie (Sousse, Mahdia et Chebba) et de l'Egypte (en particulier la région d'Alexandrie ) vers les îles de Lampedusa, Pantelleria, Malte et la côte sud-est de la Sicile, mais aussi de l'Egypte et de la Turquie à la Calabre. Plus de la moitié (4547) sont portées disparues. 189 autres jeunes gens se sont noyés durant la navigation de la ville d'Annaba, en Algérie, vers la Sardaigne. L'année 2011 est la pire. Jusqu'à présent, cette année, entre les morts et les portés disparus, au moins 1674 personnes ont disparus dans le Canal de Sicile, 239 morts par mois, 8 par jour: un massacre. Ces données sont mises à jour au 1er août 2011 et ne prennent pas en compte tous les naufrages fantômes, dont nous ne saurons jamais rien. Depuis le mois de janvier cette année, le nombre de disparus est déjà plus important que celui des disparus de toute l’année 2008, la dernière année avant les rapatriements forcés, lorsque nous avions compté 1 274 victimes par rapport aux 36 000 personnes arrivées en Sicile. Ce n’est pas tout. Ces 1674 victimes dans le Canal de Sicile représentent 87% des 1931 décès enregistrés au cours des sept premiers mois de 2011 dans l’entière région de la Méditerranée. Ce n'est pas seulement le mauvais temps à provoquer un aussi grand nombre de décès. La raison est ailleurs et elle est bien évidente si l’on considère que l’on meurt huit fois plus sur la route libyenne que sur la route tunisienne.

Vittime del Canale di Sicilia dal 2002 ai primi 7 mesi del 2011
Anno2002200320042005200620072008200920102011
Morti2364132064373025561274425201674
Au cours des sept premiers mois de l'année, en effet, par rapport à environ 25 000 personnes arrivées en provenance de la Tunisie et d’autant de personnes de la Libye, les décès documentés sur la route tunisienne ont été 188 alors que ceux sur la route libyenne ont été bien 1486. Cela revient à dire que sur la route tunisienne une personne sur 130 meurt, alors que sur la route libyenne cela concerne une personne sur 17. Huit fois plus. Et ce chiffre pourrait être encore plus alarmant. Parce que personne ne peut compter le nombre d'épaves fantômes dont nous n’avons pas eu de nouvelles.

Sans doute ce qui rend ces trajets de la Libye les plus dangereux ce sont les conditions de surcharge auxquels s’exposent les réfugiés fuyant la guerre. Et la responsabilité directe de cela retombe surs les forces armées libyennes qui gèrent toute l'opération. Selon de nombreux témoignages recueillis directement durant les débarquements en effet il semblerait que le régime de Kadhafi non seulement encourage les départs pour l'Italie, offrant le port de Zuwara, le port commercial de Tripoli et le port de Janzur, une banlieue ouest de la capitale. Mais encore, lorsque ces navires sont à court de passagers, il assure leur chargement. En effet, il ordonne aux milices proches du gouvernement de conduire des raids dans les quartiers noirs de Tripoli et des villes toujours sous le contrôle du colonel, pour recueillir un nombre suffisant de passagers et remplir les bateaux. Des passagers qui dans ces cas sont donc contraints de faire route vers l'Europe. La preuve de la volonté du régime libyen à embarquer autant de personnes que possible vers les côtes italiennes - en représaille contre les bombardements en Libye - est le fait que la traversée, dans la plupart des cas, est gratuite. Cadeau du régime.

De plus, à tout cela il faut ajouter le fait que désormais depuis plusieurs années, dans la plupart des cas, les passeurs n’envoient plus leurs hommes à la barre. Le bateau est maintenant confié au hasard à l'un des passagers, souvent sans aucune expérience en mer. Et en ce qui concerne le sauvetage, les pêcheurs prêtent de plus en plus difficilement leur secours en mer, pour ne pas risquer l'arrestation et la saisie de leurs barques. C’est la même chose pour les navires de guerre de l'OTAN, mais bien évidemment pour d’autres raisons.

Toutes les informations recensées sur les naufrages dans le Canal de Sicile et au large de la Sardaigne sont disponibles dans la version italienne du site